Le récital de Pete Morton, chanteur folk anglais, donné par Muziek
publique asbl en collaboration avec l'asbl Epitaaf, s'est déroulé dans
les anciens ateliers du sculpteur Ernest Salu, près du cimetière de
Laeken. Le concert fut accompagné d'une visite guidée du cimetière et
des ateliers. Ce qui m'a permis de découvrir quelques aspects
intéressant de l'art funéraire.
Cet atelier, aujourd'hui le siège de l'asbl Epitaaf (qui se consacre à l'étude et la préservation du patrimoine funéraire), fut créé en 1872 par le premier représentant de
trois générations Salu qui se succédèrent à la tête de l’entreprise. Dans les collections, on trouve de nombreux sculptures, plâtres et moules réalisés par les ateliers Salu, mais aussi par d'autres sculpteurs connus, tels que Antoine et Emile-Joseph Beernaert (1859-1930).
Ici un aperçu de ces lieux où règne l'atmosphère mélancolique d'une époque où le faste accompagnait les funérailles des familles les plus en vue de Bruxelles...
A l'occasion d'un concert donné par "Muziek publique, asbl" au
Petit-Château, centre d'accueil pour réfugiés, je découvre une oeuvre
murale trop méconnue, qui n'est pas sans rappeler les fresques
muralistes mexicaines de Diego Rivera, Orozco ou Siqueiros. Il s'agit de
"Los murales de la humanidad" de l'artiste, et philosophe, péruvien
Domingo Huamán Peñaloza. Une fresque qui s'étend sur trois étages,
couvrant 1200 m3...
L'oeuvre évoque toute l'histoire de l'humanité dans
une perspective résolument progressiste et émancipatrice et comporte
trois volets. Le premier retrace l'évolution biologique et historique de
l'homme ainsi que les fondements idéologiques et religieux des diverses
civilisations.
Le second volet met en évidence l'opposition entre "El
problema universal de las injusticias”, celui de la domination
capitaliste et impérialiste celui de l'emprise de l'argent aboutissant à
la guerre, la servitude et la destruction, et une " Proposición de un
mundo nuevo rehumanizado y moral” à travers la résistance populaire à
l'oppression, la construction d'une société émancipée, égalitaire,
reposant sur une vision scientifique et rationnelle du monde.
Cette oeuvre est certes engagée, voire propagandiste. Elle exprime la vision philosophique d'un art "onto-politique".
Cependant,même si elle n'évite pas la grandiloquence et le didactisme, cette fresque témoigne d'un engagement humaniste d'autant plus émouvant qu'il s'affirme en un lieu à forte charge symbolique.
On rappellera que le Petit-Château fut originellement une caserne construite de 1848 à 1852 à la périphérie des quartiers populaires de Molenbeek et Anderlecht, pour y loger les troupes qui serviront à la répression des mouvements ouvriers... par la suite, après la seconde guerre mondiale, il devint le lieu de détention des suspects de collaboration avec l'ennemi. Enfin, ce fut le lieu de passage obligés des conscrits aux temps du service militaire obligatoire car on y procédait à l'examen médical et à la sélection des miliciens.
C'est en 1986 que le Petit-Château devint un lieu d'accueil pour demandeurs d'asile. Comportant initialement prévu 300 places, il accueillit en 2004 huit cents résidents, encadrés par 120 travailleurs du Fedasil. ... C'est entre 2000 et 2006 que Domingo Huamán Peñaloza, réfugié en Belgique, réalisa son oeuvre avec le soutien du Fedasil. C'est dire toute la signification et l'importance de cette fresque murale exceptionnelle, car elle s'adressait particulièrement à ceux qui, d'une manière ou de l'autre, sont victimes de l'oppression capitaliste et impérialiste, et acteurs des luttes émancipatrices.
Or cette oeuvre est menacée. Le gouvernement ayant décidé de créer un centre d'accueil pour demandeurs d'asile à Neder-Over-Heembeek... ( un lieu éloigné de la capitale, isolé et faisant obstacle à l'intégration des réfugiés ). La caserne du Petit-Château a été vendu à des promoteurs immobiliers et sera vraisemblablement détruit ou rénové en vue d'y établir des logements ou bureaux de luxe.
Que deviendront ces fresques ? A ma connaissance aucune monographie imprimée y est consacrée même si l'on trouve sur le net quelques blogs, ou articles s'y référant. Pourtant cette oeuvre murale mérite attention, car elle conserve le souvenir d'une solidarité et d'un attachement aux droits humains, et à ce devoir d'asile tellement bafoué de nos jours, elle témoigne d'un engagement artistique et philosophique conséquent et sa destruction constituerait une perte, une de plus, pour le patrimoine artistique et l'histoire collective des luttes et des solidarités antiimpérialistes.
Domingo Huamán Peñaloza n'est pourtant pas un inconnu. Le droit d'asile lui a été accordé et vit en Belgique où il peint et poursuit sa réflexion philosophique.